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Entre feu intérieur, valeurs et moteurs
Vouloir, mais pas pouvoir
J’ai grandi entourée de « bébelles » à moteur, motoneiges, motomarines, quatre-roues, motocross, bateaux, name it. C’est vraiment cool, vous me direz. Oui, c’est cool, en partie.
Le côté moins cool c’est que c’était pas un monde qui m’était réservé. À l’époque, je ne pouvais pas mettre de mots sur la situation, mais ayant aussi grandi avec un plus jeune frère, j’ai réalisé assez vite que des normes et perceptions bien ancrées déterminaient les portes qui s’ouvraient à nous, selon qu’on était un gars ou une fille.
Les messages qui m’étaient transmis, c’est qu’un gars, ça peut être casse-cou, sale, énervé. Une fille, non. Sous prétexte de protection, je baignais donc tous les weekends dans un monde de sports motorisés qui m’était interdit. J’étais spectatrice.
Pourtant, je voulais tellement. Je voulais être sale après une course de motocross. Je voulais apprendre à démonter et remonter nos machines. Mais risquer de se blesser, avoir les ongles sales, « c’est pas féminin ».
C’est sans aucun doute de là, en partie, qu’a commencé à brûler quelque chose en moi — une révolte sourde. Une énergie qui, avec le temps, s’est transformée en force de caractère et en convictions féministes. Aujourd’hui, me faire dire que je ne peux pas faire quelque chose parce que je suis une femme?
Try me.

Le feu en veille
Début vingtaine, je décide de faire mes cours de moto. Je passe tout, first shot. Permis en main, je suis extatique, mais trop pauvre pour m’acheter une moto (c’est ça, entre autres, la vie d’étudiante). « C’est correct, l’an prochain, » je me dis.
Mais les années passent. Je sais que je veux vivre intensément, créer, explorer. Je ne sais juste pas encore comment. Je me cherche professionnellement. Alors je poursuis mes études pour ce qui me semblera une éternité. Une période pendant laquelle, à part l’anxiété de performance et le perfectionnisme paralysant, pas grand chose existe.
C’est le pilote automatique qui me fait avancer, et dans lequel je finis peu à peu par m’oublier.


De la frustration à l’action
Alors que les années filent, une peur plus intense s’installe en moi : celle de passer à côté de ma vie et que toutes mes ambitions ne restent que ça, des ambitions.
Heureusement, après plusieurs années à chercher et à explorer, en passant par le cinéma et la photographie, je découvre un domaine qui me parle instantanément : le design graphique. Un domaine dans lequel je vais atterrir professionnellement et qui me permettra de mettre à profit à la fois ma créativité et mes valeurs.
C’est là, en 2019, alors que j’allais entamer un (quasi) deuxième bac (et le dernier, enfin), que je me dis « si je fais pas un voyage maintenant, je ne le ferai jamais ».
Je booke alors mon premier voyage backpack et je pars en Europe, solo, pendant 3 semaines. J’avais toujours voulu voyager en solo. Parce que je savais que ce serait une expérience profondément enrichissante, mais aussi parce que j’avais besoin de me prouver que j’en étais capable — que la seule chose qui me retenait, dans le fond, c’était moi-même.
C’est là que je brise le cycle. Ce cycle de stagnation qui semblait consumer ma vie jusqu’à présent. Trois voyages plus tard, diplôme en main, je sens que je peux commencer à vivre, enfin. Ce qui se trouve devant moi, c’est une page blanche à remplir selon mes règles et mes convictions.
Trouver son élan
Finalement, « l’an prochain » est arrivé, l’an dernier. Oui oui, vous avez bien lu. 12 ans après l’acquisition de mon permis, j’ai finalement acheté ma première moto.
Une reconnexion longuement attendue. J’ai laissé derrière moi la fille pleine d’ambitions mais paralysée par ses doutes pour laisser place à la femme fonceuse, audacieuse et créative qui se trouvait en moi tout ce temps.
Je n’ai pas toutes les réponses encore (ce serait plate si c’était le cas anyway), mais j’ai appris à ne plus attendre que le bon moment arrive et je me répète souvent maintenant que si les opportunités ne se présentent pas, il faut les créer. J’essaie de faire en sorte que la peur ou que le manque de réponse ne soit plus un paralysant, mais une source de motivation.
C’est ce feu qui m’anime aujourd’hui plus que jamais. Vivre pleinement, briser les stéréotypes, déconstruire les perceptions sexistes, faire du bruit là où on voudrait nous voir discrètes — ça fait partie intégrante de moi et ça s’exprime dans toutes les facettes de ma vie.
C’est aussi pour ça que je suis heureuse de me joindre à une communauté qui valorise les femmes dans les sports motorisés, avec l’envie d’inspirer et de briser les moules.
Voyages backpack, de moto, stunt, track, hors route… tous les projets sont dans ma mire. L’aventure commence tout juste.
Stéphanie

