Passionné - et maître - de son métier
Être collaboratrice pour Chicks and Machines, c’est avoir la chance de rencontrer différentes personnes au fil du temps et de nos articles. De tous les gens que j’ai pu rencontrer, aucune n’était aussi passionnée que l’homme que je vous présente aujourd’hui. Voici Pierre Tardif, l’unique Québécois vivant intégralement de son métier ancestral : lettreur à la main.
Depuis 1988…
Fier de plus d’une trentaine d’années d’expérience, Pierre a ouvert son atelier à l’âge de 18 ans, mais ça faisait déjà quelques années qu’il peignait pour son plaisir personnel. Sa passion, il l’a développée de lui-même sur ses petits tacots (ou boîtes à savon, comme on peut les appeler). Tout jeune, il s’amusait à recréer sur son bolide les lettrages qu’il avait pu voir sur les voitures de course à l’autodrome de Val-Bélair. Son amour de la peinture lui vient donc… des « stock-cars » !
Aujourd’hui encore, il travaille à partir de son atelier, mais il va également chez ses clients pour y faire les projets qui nécessitent de se rendre sur place. Il se déplace n’importe où, parfois même jusqu’à 5 heures de route de chez lui. Quand on lui pose la question, c’est même l’une des parties de son métier qu’il adore : c’est dépaysant et loin d’être routinier !
En plus d’aimer faire de la route, le côté « hommes d’affaires » lui correspond réellement ! Être à son compte lui procure une autonomie non négligeable, surtout pour un artiste. Toutes ces choses lui font aimer son métier, mais sa partie préférée reste quand même l’odeur de la peinture et le plaisir du pinceau entre ses doigts…
Un véhicule pour toile
Pourquoi faire du lettrage sur les véhicules ? Tout d’abord, ceci apporte une belle variété de projets, puisque notre ami lettreur touche à toutes sortes de bolides : des motos, des camions, des hot rod, des voitures antiques… amenez-en des projets ! Mais aussi, il aime les véhicules puisqu’ils ne nécessitent pas de très grandes préparations. Les surfaces sont en majorité lisses et belles, plus faciles à peindre sans grandes manipulations au préalable.
Dernièrement, Pierre s’est d’ailleurs créé une page Facebook uniquement dédiée à ses projets de lettrage et de pinstriping (art consistant à peindre de fines rayures) sur les camions. Les camionneurs constituent depuis quelques années une bonne partie de sa clientèle. L’artiste les apprécie particulièrement, puisque la majorité sont, comme lui, de grands passionnés.
Ce qui fait de lui un incontournable dans son métier, c’est certainement le fait qu’il soit le seul au Québec à travailler entièrement à la main. Dessiner des bandes destinées à un camion lourd sur l’ordinateur pour les installer ensuite, on parle d’un travail d’une heure ou deux. Faire le tout à la main peut prendre jusqu’à 15 heures ! Il faut compter au moins quatre nettoyages différents afin d’être certain que la peinture adhère bien. C’est beaucoup plus de travail, mais le résultat en vaut largement la peine ! Le style « vieille école » (old school) que ça apporte est inimitable.
Pas de plan, c’est un bon plan !
Monsieur Tardif a une façon de travailler bien singulière : il n’a pas de plan précis ni de croquis à suivre. En résumé, il travaille à main levée ! Le client est averti dès le départ qu’il ne pourra connaître le résultat de l’œuvre que lorsqu’elle sera terminée. Pas fiable, me direz-vous ? Au contraire ! C’est là qu’on voit tout le talent de Pierre (et c’est aussi là que son excellente réputation lui facilite la tâche). Le client donne ses consignes sous la forme de couleurs, de style, et parfois de photos qu’il aime particulièrement, et c’est sur ces informations que le peintre se fie pour réaliser le projet.
Il a un don pour trouver exactement l’assemblage de couleurs et de motifs qu’il faut pour que le rendu soit beau. C’est ce qu’on appelle le talent !
Soyez sans crainte : le premier jet n’est pas invariablement le bon. Si vous n’aimez pas, il nettoie et recommence jusqu’à ce que vous soyez entièrement satisfait. Cependant, il n’a pas à recommencer très souvent. La phrase qu’il entend le plus souvent de ses clients : « Je ne l’avais jamais imaginé comme ça, mais c’est vraiment beau ! »
Des projets d’envergure
Les véhicules ne sont pas ses seules surfaces de travail. Si on lui demande quel est le plus gros projet sur lequel il a travaillé, tout de suite Pierre nous parle de Saint-Jean-sur-Richelieu et du chef du service des incendies de cette municipalité. Celui-ci a demandé à Pierre de restaurer une pompe à incendie à vapeur datant de 1876, afin de pouvoir l’exposer ensuite. Il a reproduit les décorations de feuilles d’or originales qui étaient sur la pompe, une entreprise qui lui a pris pas moins de 250 heures ! Ces feuilles d’or (oui oui, ce sont des vraies feuilles de 23 carats !) représentent beaucoup de travail, mais le résultat est incroyable, autant sur la pompe que sur un camion ou ailleurs.
AVANT:
PENDANT:
APRÈS:
Parmi ses autres gros projets, on compte aussi la murale du magasin général de Deschambault-Grondines, ou encore le cadran solaire au mur du Monastère des Ursulines de Trois-Rivières, qui date des années 1860. Il a également peint pour des tournages de films ou d’émissions de télé, fait des banderoles et des vitrines, ainsi que plusieurs autres projets, tous uniques mais trop nombreux pour en parler en détail.
Et si moi, je veux faire ce que tu fais ?
Pierre n’a jamais suivi de formation à proprement parler pour devenir lettreur. Il a bien commencé un cours aux adultes en dessin publicitaire (art graphique) en 1987, après avoir fini son secondaire, mais il ne l’a jamais terminé. Mieux que ça : il a manqué le module portant sur le lettrage à la main au pinceau ! C’est l’arrivée des ordinateurs et de la technologie dans le programme qui l’a fait quitter. Il a donc appris de lui-même, « sur le tas » comme on dit, en pratiquant et en visitant des évènements de lettrage un peu partout autour du monde. Ces évènements, des « Letterheads » comme on les appelle, regroupent les plus grands passionnés de cet art.
Il y a aussi les ateliers (« workshops ») qui permettent d’en apprendre un peu plus. Pierre en a d’ailleurs donné quelques-uns, notamment en Italie, en France, en Angleterre et aux États-Unis. Il offre également un « cours » de lettrage réparti en trois DVD, dans lesquels il parle des trois styles principaux que l’on doit connaître pour être lettreur, du matériel, des techniques de base et autres compléments. Les DVD sont disponibles en anglais seulement, et vous pouvez contacter Pierre sur sa page pour vous les procurer.
Patience, pratique, passion
Au final, selon Pierre:
N’importe quel singe est capable de faire du lettrage, mais si tu veux vraiment percer dans le métier, ça prend énormément de PATIENCE, des années de PRATIQUE et surtout, de la PASSION.
Je pense que cette phrase représente bien cette profession, peu connue mais si intéressante!
Pierre Tardif est un homme fascinant, un individu profondément passionné par son métier et son art, un artiste accompli qui en parle avec tellement d’enthousiasme et d’adoration ! Il a un style bien à lui, très « old school » et charmant. J’espère que de vous le présenter et d’en apprendre un peu à son sujet vous aura permis de connaître le métier de lettreur à la main.
Merci encore à toi, Pierre, de m’avoir permis d’écrire à ton sujet. Bonne continuité dans tes projets, et au plaisir !
Et vous, dites-nous donc ce que vous pensez de cet article… Connaissiez-vous la profession de lettreur ?
PHOTOS: Pierre Tardif (Facebook)
2 Commentaires
Super article et beau métier on voit que Pierre est passionné !
j,aimerais savoir si mr.tardif pourrais me contacte s.v.p. merci