Table des matières
Mon initiation à la moto est-elle due au destin ou à un accident ? En réalité, c’est les deux.
Je m’appelle Kari et je vis à Sacramento, en Californie; il s’agit de la capitale, nichée dans une vallée entre la région de San Francisco à l’ouest et le lac Tahoe à l’est. Ici, nous avons tous les avantages de la vie en Californie : une ville plus petite, pas beaucoup de glace ou de neige, et des endroits parmi les plus beaux du monde à explorer sur deux roues.
Mon initiation à la moto s’est faite très tôt. Je me souviens d’avoir côtoyé les motos quand j’étais enfant, mais je n’ai commencé à en faire qu’à l’âge de 11 ans.
C’est à cette époque que j’ai eu une révélation en moto: c’était un moment de clarté absolue, où j’ai réalisé à quel point j’étais mordue et que j’en avais besoin dans ma vie.
C’est arrivé par une chaude nuit d’été quand mon père m’a laissé rouler à l’arrière de sa Honda Rebel. La montée d’adrénaline était irréelle, et je savais qu’après cette soirée-là, la moto jouerait un gros rôle dans ma vie : pas seulement une chose à faire avant de mourir, ou un truc à essayer comme ça, juste pour dire que j’en avais fait l’expérience. La moto constituerait une partie très significative et réelle de mon monde.
Mais d’abord, il fallait grandir un peu.
Il était plus facile d’en rêver que de réaliser ce rêve. Ce n’est que plus tard dans ma vie que j’ai appris à conduire une moto, et lorsque c’est arrivé, c’était par accident (littéralement).
Les responsabilités de la vie ont pris une importance croissante, ce qui m’a distraite de mon objectif de faire de la moto, mais quand les choses ont tombé en place dans ma vie, l’idée de rouler à deux roues s’est matérialisée à nouveau. Mon mari et moi avions toujours été dans le milieu de l’automobile, et nous avons décidé de nous procurer des scooters Honda Ruckus pour intégrer le monde des deux roues. Cependant, pour conduire des scooters en Californie, il faut que votre permis de conduire porte la mention « moto ». Nous avons donc décidé de nous procurer des petites motos sport et de voir cela nous plaisait… à ce moment-là, ça semblait être une décision assez logique, voire innocente.
Peu de temps après, mon mari a été impliqué dans un accident de moto. À ce jour, il n’a aucun souvenir de la journée de l’accident, ni même des jours qui ont suivi, et il n’y a eu aucun témoin pour nous aider à reconstituer ce qui s’est passé. Nous savons seulement qu’il a percuté une clôture en fer forgé avec sa moto, et que l’impact a brisé son fémur droit, trois côtes, et lui a fracturé une vertèbre du dos. Pendant les mois de thérapie physique nécessaires à sa guérison, nous n’étions pas sûrs de reprendre la moto. Le temps a passé, et une fois que sa jambe a suffisamment guéri pour la faire passer par-dessus la moto, nous avons décidé d’essayer à nouveau la moto. Nous continuons de rouler depuis, et j’ai commencé à documenter mon histoire sur YouTube peu de temps après.
Surmonter la peur est plus facile à dire qu’à faire.
Ma propre initiation à la moto a été difficile. Pendant plusieurs mois après l’accident, j’ai été très anxieuse à chaque fois que j’allais faire de la moto. Il est difficile de déterminer pourquoi l’anxiété était aussi forte qu’elle l’était. Je soupçonne que c’est parce que nous n’avons jamais su pas comment mon mari – qui est l’une des personnes les plus prudentes que je connaisse – a eu un accident. S’il a pu s’écraser sur une route tranquille, qu’est-ce qui me fait penser que je suis en sécurité ? Je suis très maladroite par rapport à lui, il est toujours si prudent. Est-ce que la personne derrière moi est attentive ? Et si les freins tombent en panne ? Et si quelqu’un tourne devant moi ?
Ces pensées me remplissaient la tête chaque fois que je mettais mon casque, mais plus le doute me menaçait et que l’idée d’arrêter de rouler se consolidait, plus je voulais conquérir la crainte.
Pour tenter de surmonter cette peur, je me suis forcée à faire l’aller-retour entre mon domicile et mon lieu de travail tous les jours. Cela signifiait parcourir environ 25 miles (40 km) par jour aux heures de pointe, dans certaines des rues les plus encombrées de la région. L’envie de conduire en voiture était tentante, et j’ai passé de nombreuses journées à me motiver pour prendre ma moto à la place. Regarder d’autres motocyclistes sur les médias sociaux m’a rappelé qu’un peu de crainte est l’élément qui nous maintient en vie, mais cela signifiait également de regarder d’autres personnes qui semblaient rouler sans aucune crainte. Cette comparaison m’a donné l’impression d’être une conductrice inadéquate, car les « vrais » motocyclistes ne s’inquiétaient pas autant que moi.
En même temps que je combattais ceci, mon mari faisait aussi la navette entre le travail et la maison, et si je ne roulais pas en même temps que lui, j’étais préoccupée par sa sécurité. Pour réduire cette angoisse, la moto devenait la distraction parfaite, car elle me permettait d’être complètement concentrée sur le moment présent et incapable de me préoccuper de quoi que ce soit d’autre. Cette prise de conscience de l’importance de la moto méditative a été la plus grande leçon de la première année de moto. Cela a transformé la moto, qui était une source de peur et d’anxiété, en quelque chose de réellement amusant.
Lentement mais sûrement, la moto est devenue un élément irremplaçable de ma vie.
Il m’a fallu des mois pour me pousser, mais plus les kilomètres parcourus dans toutes sortes de conditions s’accumulaient, plus je gagnais de la confiance. Lentement mais sûrement, la moto est devenue un plaisir, tout comme les sentiments de liberté que j’avais éprouvés dans mon enfance. J’en suis arrivée à un point où je me suis sentie prête à partager mon cheminement ouvertement sur les médias sociaux, dans l’espoir d’aider d’autres personnes qui souffrent de doutes et d’angoisse. L’ambiance générale de la conduite à moto est ancrée dans le plaisir et l’insouciance, et cela peut certainement être amusant, mais un certain niveau de stress est aussi sain !
Cela fait plus de cinq ans depuis l’après-midi de l’accident de mon mari, et il y a encore des jours où je sens un paquet de nerfs s’accumuler en moi avant une balade. Toutefois, tous les kilomètres et l’accumulation d’expérience ont aidé à transformer la conduite en moto pour moi : alors qu’il s’agissait auparavant de quelque chose d’inconnu et d’effrayant, c’est maintenant devenu l’une des activités les plus méditatives et les plus thérapeutiques pour moi.
Il est facile de rester sur la bonne voie quand on s’amuse.
De nos jours, j’aime explorer les routes en bas de montagnes et les petits chemins sinueux de ma région, surtout quand tout en Californie est incroyablement vert et luxuriant au début du printemps. C’est le plus grand avantage de vivre dans la vallée – nous sommes à seulement 90 minutes d’aller à l’océan ou à la montagne, et les routes ici sont superbes!
Au cours des deux dernières années, j’ai également passé du temps sur les pistes de course, et je ferai de même en 2021 dans l’espoir d’améliorer mes temps au chronomètre et ma technique de conduite. Maintenant que les restrictions en lien avec la COVID commencent à être levées en Californie, mes autres objectifs cette année sont de rencontrer et de rouler avec plus de pilotes locaux, de participer à plus d’activités organisées par des groupes locaux de femmes motocyclistes et d’encourager plus de femmes à explorer le motocyclisme.
Et quel est le plus grand objectif derrière tout cela? C’est de s’amuser. Tous ceux et celles d’entre nous qui conduisent des motos connaissons le sentiment que j’ai ressenti lorsque j’étais enfant, quand j’ai connu pour la première fois l’excitation de la conduite. Chaque ride est une chance pour nous de nous revivre et de partager ce sentiment.