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Vous payez trop, mais savez-vous pourquoi ?
En 1978, le coût d’assurances d’un motocycliste à la SAAQ (Société de l’assurance automobile du Québec) était de 85 $. Avec le temps et l’inflation, ce montant devrait être de 360 $ aujourd’hui, selon la Banque du Canada. Mais que s’est-il passé en réalité ???
Je suis avec le MDMQ (Mouvement à la défense des motocyclistes du Québec) depuis maintenant quatre ans : j’ai eu le temps de faire une longue réflexion sur la tarification des motocyclettes. Tout en traitant de cet aspect, je m’attarderai, dans le présent article, aux questions suivantes :
- La catégorisation des motos a-t-elle encore sa raison d’être ? La catégorisation est-elle juste, équitable et justifiée
- Est-ce que la prime d’assurance proposée aux motocyclistes est représentative du risque réel ?
Après ces quatre années de réflexion, ma réponse est « non » à ces questions et ce, sans hésiter !
En fait, ma réflexion a commencé avec la difficulté de bien saisir la façon dont certaines motos sont classées, ou non, dans la catégorie des supersportives.
Je me souviens d’une rencontre importante avec les gens du côté politique, lors de mes débuts au CMQ-MDMQ. Nous avions présenté quatre modèles de motos similaires et seulement une qui était catégorisée comme « moto à risque ». Ni le ministre des Transports, ni aucune autre personne autour de la table n’ont été capables d’identifier la moto qualifiée « à risque ».
La première question qui m’est venue en tête fut : « Est-ce normal ? ». Selon moi, ce n’était pas normal, mais tout à fait probable compte tenu du côté subjectif de la catégorisation des motos dites « à risque ».
Cette rencontre a été déterminante dans notre croisade afin de mieux comprendre les critères qui font qu’une moto est jugée « à risque » ou non.
Jusqu’à ce jour, on s’aperçoit que la catégorisation des SS est plutôt floue et aucun rapport n’est disponible pour expliquer pourquoi un modèle versus un autre entre dans cette catégorie ou non. Il n’existe ni cahiers des charges, ni notes explicatives sur les décisions.
De plus, si l’on regarde les statistiques, on se rend compte que certains modèles sont surreprésentés dans les accidents alors qu’ils n’entrent pas dans la catégorie « moto à risque ».
Alors, la question à se poser est : « Pourquoi maintenir une catégorie qui compte peu de véhicules, dont le nombre va en décroissant (moins de 6 000 en 2022), et pour lesquels les statistiques sont de plus en plus difficiles à quantifier étant donné leur diminution ?»
Il faut ajouter que non seulement les critères sont plutôt subjectifs, mais qu’ils peuvent être interprétés d’une personne à l’autre de manière différente, sans règles précises.
Mais si ces iniquités nous sautent aux yeux, qu’en est-il de la catégorie moto en soi ?
Est-ce que le système actuel est juste et équitable pour les motocyclistes ? Bon, on sait que non : le savoir, c’est une chose, et savoir pourquoi en est une autre. Le prouver est encore mieux.
Autrement dit, on commence par arrêter de chiâler sans savoir de quoi on parle et on s’informe pour se battre sur le bon terrain.
De meilleurs tarifs
Cette année(2022), l’ensemble des motocyclistes ont eu droit à une baisse des immatriculations. Certains diront qu’elle a été minime, mais c’était une baisse tout de même, alors qu’on s’attendait à une hausse : celle-ci aurait probablement été plus importante si la nouvelle catégorie « 3 roues » n’avait pas été mise en place.
Plusieurs éléments ont joué dans la balance :
- Les PDI (points d’inaptitude) qui sont maintenant comptabilisés dans notre poste budgétaire moto, ce qui n’était pas fait avant notre intervention,
- Un début d’ajustement du permis pour les apprentis en vue de commencer à se rapprocher du risque réel que ces motocyclistes représentent.
Il faut aussi ajouter que les rendements réalisés grâce au placement à la Caisse de dépôt et de placement ont fait en sorte d’offrir une réduction des permis de conduire aux usagers de la route.
Cependant, il est important de mentionner que ce retour n’a pas été octroyé aux usagers de la route en fonction de leurs contributions réelles aux assurances corporelles. Nous jugeons ce fait inacceptable puisque les motocyclistes sont ceux qui contribuent le plus au fonds d’indemnisation : ils auraient dû recevoir un remboursement beaucoup plus élevé au prorata de leurs contributions.
Afin de bien comprendre de quoi il en retourne, vous pouvez comparer les remboursements des usagers de la route dans le site de notre analyste Alexandre Tremblay à alexmoto.ca dans la section « retours de la SAAQ 2022-2023 ».
Voici des tableaux que vous pouvez retrouver dans cette section du site :
Mais pourquoi alors continuer à revendiquer si nous avons eu des baisses sur nos immatriculations ?
La raison est simple : malgré les progrès réalisés au cours de la période triennale 2022-2025 dans le cadre des travaux sur la tarification, nous sommes à même de constater que l’ensemble des motocyclistes ne paient pas le prix d’une assurance corporelle qui correspond à leur risque réel.
Notre mission au CMQ-MDMQ est justement de veiller au grain, sans parti pris et bénévolement, pour que les droits en regard de la tarification des motocyclistes soient respectés et pour que vous puissiez avoir toutes les informations nécessaires concernant les enjeux autour de la tarification. C’est pourquoi nous continuons…
Nous croyons que tant que la tarification de l’assurance corporelle sur les immatriculations sera faite en fonction des véhicules et non du dossier de conduite des individus, nous constaterons des problèmes reliés à celle-ci.
Voici certains problèmes relevés par notre équipe de travail au CMQ-MDMQ.
Les conducteurs sans permis de moto
Nous avons eu écho, cet été, qu’au moins cinq personnes ayant eu des accidents de moto graves, mortels ou non, n’avaient pas de permis de conduire de moto malgré le fait qu’elles se trouvaient sur un tel véhicule.
Il est important de savoir que ces données ont été recensées en fonction de ce que nous avons pu voir dans les journaux : donc, ces personnes sans permis de moto sont peut-être plus nombreuses que l’on pense.
Ces conducteurs sans permis n’ont pas contribué au fonds d’indemnisation (assurance payable sur les frais de permis), mais sont tout de même comptabilisés dans le bilan motocycliste.
Alors, supposons que ces cinq accidents ont coûté en moyenne 300 000 $. On impute directement cette somme dans le poste budgétaire des motocyclistes sans tenir compte que ces personnes n’ont ni les préalables, ni le droit de conduire une moto, et n’ont pas contribué au fonds.
Pour ces personnes, le risque d’accident est plus élevé. Et moi, comme motocycliste qui ai suivi une formation et qui parfais mes habiletés de motocycliste grâce à mon expérience et à la formation continue, dois-je subir cette réalité parce que la loi du « no fault » s’applique en fonction du véhicule conduit ?
On peut se poser ici la question : si nous avons pris la décision de les indemniser quand même en tant que société, pourquoi les facturer à une minorité dont ils ne font pas partie (motocyclistes) et non pas à l’ensemble des usagers ?
C’est ici que l’on peut voir comment une loi modifiée et dénaturée de son objectif de départ peut devenir biaisée. À cet égard, Alexandre, sur son site alexmoto.ca, fait état d’un pourcentage d’environ 4,4 % de votre prime d’assurance corporelle sur vos immatriculations qui est imputée en raison de cette réalité.
Vous me direz que c’est un petit impact… Mais non, puisque nous ne sommes que 200 000 motocyclistes à payer et si vous ajoutez cela à d’autres problématiques soulevées, vous verrez qu’en bout de piste la tarification qui vous est chargée est non représentative de votre risque réel puisque vous payez pour les autres usagers qui ne respectent pas les lois.
Les conducteurs avec les facultés affaiblies
Il faut également parler des accidents causés par les facultés affaiblies. Ici, on parle d’environ 13,9 % de nos primes d’assurances corporelles qui servent à rembourser les indemnités relatives à cette problématique, même pour les fautifs. Encore une fois, ça fait mal aux motocyclistes qui sont 200 000 à contribuer versus 6 millions de conducteurs automobilistes.
Il faut aussi savoir qu’après coup, la personne prise en défaut à ce niveau n’a pas de pénalité sur son assurance (ex. : une surprime) qui permettrait d’assurer son risque plus élevé que celui d’un autre conducteur, une fois que ses points d’inaptitude disparaissent de son dossier.
Ceux qui ne paient pas leurs immatriculations
Certains conducteurs décident de ne pas payer leur plaque et leur permis de conduire. Malgré cette situation en cas d’accident, ils seront couverts.
Vous me direz : « Mais ils vont avoir une contravention et des points d’inaptitude à leur dossier ». Je serais curieuse de savoir si le montant chargé compense pour la perte des revenus au fonds d’assurance.
Il faut garder en tête que, comme c’est un jeu de balancier (ce que ça coûte est chargé aux utilisateurs), cela a aussi une incidence sur le prix de nos immatriculations, d’autant plus que les points d’inaptitude finissent par s’effacer.
Et si la loi permettait une disposition de remboursement des frais non acquittés avec des modalités de paiement en plus des points d’inaptitude pour plus d’une année, ou encore incluait un système comme celui de l’Ontario avec des possibilités d’amendes entre 5000 $ et 25 000 $?
Cela suffirait certainement à dissuader certaines personnes. De plus, ces sommes pourraient être redistribuées dans le fonds et plus spécifiquement dans le poste budgétaire du type d’usager en cause si, bien sûr, nous continuons d’avoir un système qui privilégie une forme de catégorisation…
Accidents causés par l’état des routes
Environ 4,3% des accidents sont causés par l’état des routes, selon Alexandre sur son site alexmoto.ca. Si la loi permettait d’aller chercher des sommes au ministère des Transports pour enlever cette charge sur le dos des motocyclistes, encore ici un montant ne nous serait pas chargé.
Le montant chargé sur le permis apprenti
Plusieurs personnes se sont indignées quand elles ont réalisé la hausse des permis pour les apprentis moto pour ce nouveau triennal. Il faut savoir cependant que les apprentis motocyclistes devraient payer en réalité autant que les conducteurs de moto à risque, soit une prime avoisinant les 1500 $.
Or, la tarification actuelle est de 195 $ sur le permis et aucune charge supplémentaire sur les assurances corporelles des immatriculations. De plus, pour ajouter à cette situation, il n’y a aucune restriction en regard du véhicule conduit.
Ainsi, un jeune de 16 ans en un mois peut posséder son permis d’apprenti sans autre coût et contrainte, et conduire une moto dite « à risque » par la SAAQ alors qu’il ne pourra conduire seul une automobile avant ses 17 ans. Cette réalité coûte à chaque motocycliste environ 100 $ sur ses immatriculations.
Le montant remis à la RAMQ par la SAAQ
Conclusion
À partir de ce qui a été soulevé, je trouve important que chaque motocycliste comprenne maintenant l’impact réel de certaines problématiques sur son portefeuille. C’est pourquoi je serai encore là avec l’équipe du CMQ-MDMQ pour revendiquer fortement auprès du gouvernement des changements dans la loi ou l’ajustement de certains règlements qui rétablissent l’équilibre des fondements qui ont été à l’origine de la Loi de l’assurance automobile en 1978.
Il devient de plus en plus clair que le « no fault » a une grande incidence sur certaines catégories de véhicules comme les motocyclistes, étant donné leur plus petit nombre versus la masse des usagers de la route.
En bout de piste, ce sont les motocyclistes qui respectent la loi qui sont les grands perdants.
À quand un régime d’assurance publique qui récompensera les gentils et qui sera dissuasif avec les récalcitrants qui coûtent cher au système et à tous les usagers de la route et qui enlèvent des prestations aux gens victimes d’accidents de la route qui ont contribué au régime d’assurance ?
Depuis le début, nous avons été avenants et transparents dans nos démarches avec les motocyclistes, avec la SAAQ et avec les décideurs. Maintenant que plusieurs problématiques sont mises en lumière, nous nous attendons à de réels résultats en vue de la prochaine tarification en 2025 pour corriger le tir.
Nous espérons que vous continuerez de nous suivre et de nous supporter pour en arriver à une tarification qui est vraiment représentative de la réalité. C’est en comprenant ce qui se passe que nous sommes mieux équipés pour faire valoir nos revendications.
Pour en apprendre davantage sur les prochaines revendications du CMQ-MDMQ, vous pouvez joindre notre groupe sur Facebook MDMQ.
Vous voulez mieux comprendre tous les enjeux et réflexions soulevés dans l’article ? Nous vous invitons à consulter le site d’Alexandre Tremblay à l’adresse web suivante : alexmoto.ca
Faire le calcul
Si on fait maintenant le calcul des pourcentages des problématiques soulevées qui sont indirectement liées à votre risque, on constate qu’environ 45 à 50 % de votre prime d’assurance corporelle sur vos immatriculations ne sont pas liés à votre risque réel.
Donc, à titre d’exemple, pour une moto standard et un conducteur sans PDI, on devrait avoir une assurance autour de 300 $ sur les immatriculations et environ 70 $ (tel que payé sur notre permis) pour un total de la portion assurance corporelle autour de 370 $ au lieu de 610 $ (comme actuellement).
Ce qui est étrange : si nous partons du montant chargé aux motocyclistes pour leur assurance en 1978, lors du début du régime d’assurance, montant qui était autour de 85 $ et que nous ajoutons l’inflation, nous arrivons à une prime d’assurance qui s’élèverait autour de 360 $.
Il est important de savoir, pour bien comprendre la simulation des coûts, que seulement la portion assurance corporelle a été regardée et non l’ensemble du montant chargé qui comprend aussi le droit de circuler.
En cas d’accidents liés à un sport au Québec, la RAMQ assume les frais médicaux.
Alors pourquoi, si la moto est considérée comme un sport, devons-nous rembourser nos frais médicaux ?
Les adeptes de motocross, motos marines, motoneiges et 4 roues n’ont pas à payer d’assurances pour leurs frais médicaux. Alors pourquoi 30 % de notre prime d’assurance sur nos immatriculations sert à rembourser nos frais médicaux à la Régie de l’assurance maladie du Québec ?
Il est important de comprendre que nous ne parlons pas des montants qui servent aux revenus de remplacement des accidentés. Et là, nous ne comptons pas les frais d’administration pour payer les fonctionnaires du ministère de la Santé (chargés sur nos impôts) qui calculent les coûts engendrés par les accidents de la route.
On parle ici des motocyclistes, mais les automobilistes sont aussi concernés par cette mesure qui semble avoir été instaurée par un changement du gouvernement libéral, il y a quelques années. Une ponction était prélevée au départ mais, depuis quelques années, le montant de la remise a atteint des proportions qui méritent sincèrement d’être regardées.
À cet égard, nous réfléchissons à nos prochaines démarches pour sensibiliser le gouvernement à cette situation. Nous vous tiendrons au courant de nos démarches.
Voici quelques tableaux pour vous permettre de continuer la réflexion!
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