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Les réalités d’un camionneur aujourd’hui…
Faisons-nous toujours le même métier?
Le métier de camionneur est reconnu pour sa solitude et sa liberté. Depuis décembre 2020, nos conditions de travail se sont nettement détériorées.
Cet article n’a pas été écrit pour faire un comparatif, mais plutôt pour révéler au grand jour ce que nous vivons tous les jours, nous, les camionneurs.

La première vague (la pandémie)
L’hiver 2020 a été plutôt difficile pour les compagnies de transport de la province de Québec. Lors du premier confinement, plusieurs compagnies ont dû mettre à pied des chauffeurs par dizaines afin de pouvoir survivre.
« Combien de temps les gens seront confinés à la maison? À combien de chauffeurs dois-je annoncer que je n’ai plus de travail pour eux? Est-ce que mes chauffeurs voudront revenir quand le Québec recommencera à vivre? Comment ferai-je pour desservir tous mes clients si mes chauffeurs sont partis travailler ailleurs? » L’angoisse montait peu à peu au sein des compagnies de transport de même que la pression.
Pour les chauffeurs qui ont conservé leur emploi, ce n’était pas plus rose. Nos heures et notre charge de travail diminuaient, nous avons vu nos conditions de travail se détériorer. Certains d’entre nous se sont même demandé s’il n’aurait pas été plus payant de se mettre volontairement sur le chômage!
C’est désolant de voir nos collègues changer de métier parce qu’ils sont découragés de la manière dont la pandémie a affecté notre travail. Nous avons non seulement dû apprendre à travailler différemment, mais également apprendre à conjuguer avec le manque de personnel partout où nous allions.

La deuxième étape
Nous avions à peine eu le temps de nous habituer à notre nouvelle réalité qu’un enjeu supplémentaire s’est ajouté : le couvre-feu. Fermer toutes les lumières du Québec à 20 heures a été, pour nous, une vraie catastrophe.
Nous roulons plus de 12 heures par jour; certains ont des quarts de travail d’une durée de 16 heures… Donc, durant cette période, nous n’avions pas le choix de rouler pendant la soirée et la nuit, entre 20 heures et 5 heures.
Qu’est-ce que le couvre-feu a changé? Nous n’avions plus accès aux toilettes, pas moyen de s’acheter un café pour finir notre 4 heures de route nocturne, les émissions de radio que nous avions déjà écoutées des mois auparavant se sont mises à être rediffusées : bref, un lot de circonstances pouvant augmenter notre fatigue au volant, ce qui n’était pas sans danger.
Laissez-moi vous dire que terminer ma dernière livraison à 21 heures, gelée par le temps froid d’hiver, et faire dans la noirceur les 4 heures de route nécessaires avant de stationner mon camion, n’avaient rien de plaisant.
Pas de café pour me tenir réveillée ou pour me réchauffer sur la route fantôme. Pas de toilette à ma disposition… Je n’ose pas IMAGINER ce que mes collègues qui dormaient dans leur camion ont vécu par rapport aux douches non accessibles et à la majorité des dépanneurs fermés…. Donc, rien à se mettre sous la dent avant le dodo.
À plusieurs reprises, j’ai dû me stationner sur le bord de la route pour me soulager, de nuit comme de jour. Les commerces ne nous laissaient pas entrer pour uriner ou pour acheter un café. Les restaurants n’acceptaient pas de nous servir un café au service au volant, car nous étions à pied à moins de 2 mètres de distance de leur fenêtre…
En tant que femme, devoir baisser son pantalon sur le bord de l’autoroute en plein hiver, en essayant de se cacher du mieux qu’on peut et ce, plusieurs fois par jour, est une condition de travail déplorable.

L’arrivée de ces barrages a changé notre quotidien plus que jamais! L’attente interminable aux barrages nous ralentissait considérablement. Il a même fallu diminuer notre charge de travail et prendre cette attente en considération pour faire nos journées.
Finalement, au bout de deux semaines, les camions ont pu passer, sans être arrêtés. ENFIN!
Le pire de tous les barrages que j’ai dû subir a été celui situé à la frontière du Nouveau-Brunswick et du Québec : une file qui fait des kilomètres de long, ça rallonge un chiffre considérablement…

Le côté positif
Je vous ai mentionné en début d’article qu’il n’y a qu’un seul côté positif à la pandémie : il y a moins d’usagers sur la route! Bien que ceci peut vous sembler banal, cela crée une énorme différence pour les camionneurs.

Le métier AVANT la pandémie
Bien que la pandémie ait radicalement changé nos conditions de travail, celles-ci n’étaient déjà pas optimales. Effectivement, quand tu deviens camionneur, tu t’attends à travailler beaucoup d’heures, sur un horaire atypique (la plupart du temps), et dans toutes sortes de conditions.
Quand je dis beaucoup d’heures, le travailleur moyen au Québec travaille entre 35 et 40 heures par semaine, tandis que 3 camionneurs sur 4 travaillent entre 60 et 70 heures par semaine. De plus, il n’est pas rare de commencer notre chiffre vers 4 ou 5 heures du matin, et même au beau milieu de la nuit pour certains types de transport.
Deuxièmement, le travailleur moyen au Québec met sa vie en danger le temps de ses déplacements entre la maison et le travail les jours de tempête… Un camionneur travaille entre 12 et 16 heures sur la route et ce, peu importe les conditions météorologiques.

Pour conclure
Les situations énumérées ci-dessus (et bien d’autres) nous arrivent quotidiennement. Un camionneur passe sa journée sur la route : il n’a pas besoin de se faire couper, de se faire klaxonner parce qu’il est lent, de se faire envoyer balader parce qu’il s’est déplacé sur vous, ni attendre 10 minutes avant de pouvoir changer de voie pour prendre sa sortie.
J’espère sincèrement qu’un jour les automobilistes seront mieux informés sur nos limites quand ils prendront des cours de conduite. En ce moment, la manière dont beaucoup d’entre eux conduisent est vraiment dangereuse pour nous (et eux). Le meilleur conseil que je peux vous donner est : ne restez jamais près d’un camion, en mouvement ou non.

Quel est notre avenir?
Bien que la majorité des compagnies de transport se soient adaptées aux nouvelles conditions de notre métier, certaines ont malheureusement rendu l’âme. La pénurie de camionneurs se fait ressentir plus que jamais.
Les camionneurs sont la base de l’économie, tout ce qui se trouve sur les tablettes d’épicerie ou dans n’importe quel magasin est transporté à un moment ou un autre par un camion. Même l’essence que vous mettez dans vos voitures est transportée par camion.
Nos conditions commencent heureusement à s’améliorer, après deux ans de pandémie et de différentes mesures. Combien d’années cela prendra-t-il avant que tout redevienne comme avant? Verrons-nous un jour notre métier reprendre de la vigueur et vaincre le manque de main-d’œuvre?
Peut-être serons-nous davantage respectés sur la route par les autres usagers, peut-être que les gens arrêteront de nous voir comme des fardeaux trop longs et trop lents. Seul l’avenir nous le dira.
Je voudrais aussi encourager les travailleurs et travailleuses de la santé ainsi que tous les autres quarts de métier qui combattent autant que nous, mais à leur manière.
De votre Chick bien optimiste par rapport à tout cela…
Bonne route, mes ami(e)s.
Alex xx
2 Commentaires
C’est tellement vrai tout ce qui est écrit j’ai fait le même travail pendant 40 ans
de 1962 à 2002 je connais très bien ce travail en hiver.
Je félicite et encourage tout les camionneurs grâce à leur travail nous avons tous
ce que nous avons besoin pour vivre normalement.
Bravo vraiment un bel article et tu as tellement raison dans tout ce que tu écris je suis impressionné et aussi très fier de toi