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Comment est-ce de l’autre côté de la frontière?
Une réalité bien différente
Maintenant que vous connaissez bien le quotidien des camionneurs du Québec grâce à mes précédents articles (« La réalité d’un camionneur aujourd’hui » et « Top 10 des choses à ne pas faire près d’un poids lourd »), j’ai envie de vous raconter comment les choses se passent de l’autre côté de la frontière.
Rouler de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis, apporte un autre type de stress et fait vivre une tout autre réalité à nos camionneurs. Puisque je ne suis jamais allée aux États-Unis en camion, j’ai décidé d’interviewer deux camionneuses québécoises qui traversent la frontière à toutes les semaines.
Découvrez les témoignages de Marie-Ève Thibodeau et de Jennifer L. Gosselin, camionneuses d’ici.
Témoignage – Jennifer L. Gosselin
Jennifer est camionneuse depuis avril 2018. D’ailleurs, nous avons fait ensemble notre DEP en transport par camion. Dès qu’elle a eu son diplôme, elle s’est tout de suite dirigée vers le transport de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis.
La compagnie pour laquelle Jennifer travaillait lui a permis de toucher à plusieurs types de transport, soit du « team » (équipe), du « dry box » (remorque), du « flatbed » (à plate-forme), du « wide load » (à chargement large) et du « tanker d’explosifs » (camion-citerne pour le transport d’explosifs).💥
Elle est allée aux É.-U., mais a également voyagé dans le Nord (Labrador, Terre-Neuve, Baie-James). Aujourd’hui, elle travaille sur un 12 roues dans le domaine du dynamitage et elle est épanouie.
-Comment était le stress les premières fois que tu as voyagé versus les mois ultérieurs?
« J’ai commencé dans le métier en équipe pour la Californie. Comme dans tout nouvel emploi, la première semaine est la pire. »
Jennifer a vécu un commencement assez lourd dans le camionnage. Il lui est arrivé toutes les sortes de malchances inimaginables lors de sa première semaine, ce qui a grandement accentué le stress : une attente interminable (plus de 36 heures), une inspection aléatoire à la balance, un accident mineur et une escorte qui vient proposer ses services à la porte du camion en pleine nuit… Jennifer ne pouvait pas vivre pire en un seul voyage!
« Même si tu as reçu une formation, tu es toujours un peu perdue les premières fois, le temps d’apprendre comment ça fonctionne. »
Toutes les situations qu’elle a vécues lors de son premier voyage l’ont grandement aidée à diminuer son stress pour ses prochaines sorties: elle a pratiquement tout vu en une semaine. Elle a pu entreprendre les voyages qui ont suivi dans un état d’esprit beaucoup plus zen.
-Te sentais-tu en sécurité dans les relais routiers pour camions?
La réponse a été « oui et non ».
Pourquoi? Parce que Jennifer a toujours choisi des endroits sécuritaires pour y passer la nuit. Elle choisissait une grosse bannière comme « Flying J » ou encore « Love’s ». Jamais elle n’a dormi dans la cour de l’un de ses clients, à moins de bien connaître l’endroit.
Une seule fois, elle s’est sentie en danger dans un relais routier pour camions. Un homme imposant lui a tiré le bras tellement fort à la caisse que les écouteurs qu’elle portait à ses oreilles sont tombés sur le sol. L’homme voulait tellement l’aborder qu’il l’a même attendue avec son ami pendant qu’elle prenait une douche.
Jennifer a bien su maîtriser la situation lorsqu’elle a compris qu’elle était suivie. Cependant, le stress était à son plus haut niveau.
« Je ne crois pas que ces relais aux É.-U. soient plus dangereux qu’ailleurs, il y a des colons partout. »
Jennifer a plus d’une anecdote dans son sac à propos de ces relais routiers. Mais ce qui revient le plus souvent, ce sont les policiers qui viennent cogner à la porte du camion en pleine nuit et exigent de déplacer le camion, même si le carnet de route (« log ») ne le permet pas.
« Ne jamais s’obstiner avec eux si tu ne veux pas avoir de problème. »
-Quel a été ton endroit préféré de l’autre côté de la fronière et pourquoi?
Les plus beaux endroits où elle a eu la chance d’aller en traversant la frontière sont l’Utah et la Californie (en particulier, les grands séquoias, endroit magnifique où il y a des montagnes à perte de vue).
Cependant, le voyage qu’elle a le plus apprécié est l’un qu’elle a fait en Floride.
« J’avais tout mon temps, c’était déjà prévu que je fasse mes 36 heures à cet endroit. »
Quoi de mieux que de profiter de la plage de Hollywood Beach, du soleil, de la chaleur et de l’océan sans aucun stress puisque la cargaison n’est pas prête.☀🌴
Témoignage – Marie-Ève Thibodeau
Au cours de la dernière année, vous avez sans doute entendu parler de cette jeune et jolie camionneuse : eh oui, elle fait partie de la 2e édition du calendrier « Camionneuses Québec ».
Marie-Ève a son permis depuis décembre 2017, elle est graduée du CFTC. Elle a d’abord commencé en équipe aux États-Unis, puis s’est dirigée vers le transport divers aux États-Unis et en régional (Québec).
Un coup de tête… Telle est l’expression qui définit bien la raison de son saut en camionnage. Elle a réussi ses études sans vraiment savoir dans quoi elle s’embarquait. Finalement, elle adore son métier.
« J’ai réalisé que je fais l’un des plus beaux métiers, être payée pour voyager partout et voir des paysages à couper le souffle. »
Puisque Marie-Ève a longtemps fait de la Californie en « team » (équipe) et qu’elle en fait encore à ce jour, il m’est venu à l’idée de lui poser des questions sur ses propres expériences en équipe.
-Comment est-ce que de partager son espace vital pendant plus d’une semaine?
Faire un aller-retour en Californie prend plusieurs jours, même si le camion roule jour et nuit. Partir en équipe permet généralement de faire le voyage en moins de 10 jours, incluant les livraisons et les cueillettes sur le chemin.
Pendant toute la durée du voyage, l’intimité et la solitude sont perturbées. En effet, faire de la route en équipe signifie être deux en permanence dans le camion, ce qui implique de partager son espace de vie.
Marie-Ève soutient que la recette secrète est d’avoir le bon partenaire, soit quelqu’un qui a le même souci de propreté que soi, et qui respecte ton intimité. De plus, une bonne communication est de mise pour que tout se passe bien.
« Si tu n’es pas avec la bonne personne, le voyage est interminable et c’est vraiment pénible. »
-Comment planifier les arrêts touristiques?
Comme Marie-Ève roule de jour, elle adore s’arrêter quelques instants lorsqu’elle passe devant un endroit intriguant ou attrayant. Il se pourrait que votre partenaire de voyage sorte du camion avec vous ou qu’il préfère demeurer dans le camion et continuer sa « nuit ».
L’important, c’est de mettre au point les intentions d’arrêt avant le départ afin d’éviter tout malentendu. Si vous êtes chanceux, votre partenaire aimera les arrêts touristiques autant que vous et vous en profiterez à deux.
Encore une fois, le secret est d’avoir le bon partenaire.
-Son avis personnel
Puisque Marie-Ève traverse les États-Unis d’un océan à l’autre, je lui ai demandé quelle est sa route préférée ❤ ainsi que celle qu’elle aime le moins 👎 .
Comme plusieurs, c’est sans surprise qu’elle m’a répondu adorer la route 70, principalement à l’endroit où elle traverse le Colorado.
« C’est magnifique », tels ont été ses mots.
Pour ce qui est de la route qu’elle affectionne le moins, son choix s’est penché sur la route 80 dans les États du Nebraska et du Wyoming.
« Ce sont les deux États que je trouve les plus longs à traverser. »
-Quelle est la différence entre les tempêtes d’ici et celles de l’autre côté de la frontière?
La dernière question que je lui ai posée était en lien avec la météo. Je ne vous cacherai pas que je suis bien intriguée par les différences entre ici et ailleurs. Nous sommes habitués à nos tempêtes de neige, nos vents, nos orages… Mais est-ce la même chose aux États-Unis?
Pour être franche, la réponse de Marie-Ève m’a quelque peu déçue. 😕 Je m’attendais à de grosses différences. Mis à part le Wyoming, il n’y a pas vraiment de différences flagrantes avec nos tempêtes d’ici!
« Dans cet État, les vents son parfois très forts, soit plus de 100 km/h. De plus, « l’Interstate » est souvent barrée pendant la saison hivernale à cause des mauvaises conditions météorologiques. »
Une réalité bien différente d’ici
Comme vous avez pu le constater, rouler à bord d’un poids lourd aux É.-U. est bien différent d’ici. Chacune d’entre elles a vécu des scénarios uniques, et elles ont dû gérer un tout autre type de stress à leur manière.
Que ce soit au niveau du comportement des autres usagers de la route, de l’ambiance dans les relais routiers pour camions, des conditions météorologiques ou encore des installations chez les clients pour décharger la marchandise, rouler aux États-Unis apporte à nos camionneurs d’ici un tout autre défi.
Le plus gros enjeu, à mon avis, est de devoir s’habituer à deux types de conditions bien différentes dans la même semaine. Être un chauffeur polyvalent est de mise.
Et vous, est-ce que conduire de l’autre côté de la frontière aux États-Unis est quelque chose qui vous attire? Pour ceux et celles qui y roulent déjà, je serais bien curieuse de connaître quelques-unes de vos anecdotes. 😉
De votre Chicks