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Le monde de la course de moto a perdu une étoile prometteuse cette semaine.
…ou plutôt, le monde de la course de moto a laissé tomber une étoile prometteuse pendant trop longtemps.
Sharni Pinfold, pilote australienne de Supersport 300, a annoncé cette semaine qu’elle raccrochait son casque pour de bon, après avoir été soumise trop longtemps au sexisme et au manque de respect tout au long de sa carrière.
Tout au long de mon parcours dans les sports motorisés, j’ai connu et j’ai été exposée à de nombreux défis, certains desquels dont j’ai du mal à parler. La plupart des défis que j’ai rencontrés ont été causés par le manque de respect et le traitement désobligeant des femmes. Des choses que je sais que je n’aurais jamais eu à vivre si j’étais un homme.
Pleine de potentiel
À seulement 25 ans, cette incroyable jeune femme a déjà surmonté de grands obstacles. Au moment où elle s’apprêtait à lancer sa carrière de course sur route, son père est décédé juste avant qu’elle ne rencontre son tout premier commanditaire, ce qui signifie qu’elle s’est retrouvée seule dès le départ. Sans aucun soutien financier, et sans son père pour l’encourager, la soutenir et la guider, elle a fait une panoplie de sacrifices pour poursuivre son rêve de course moto
… et elle a tapé dans le mille.
Quelques mois après le décès de son père, elle a trouvé un sponsor et a acheté une moto à crédit, et elle s’est jointe à un club local qui correspondait à son budget. La saison suivante, elle a été approchée par British Superbikes (BSB) et s’est fait proposer de faire de la moto3. Elle a vendu tout ce qu’elle possédait, a quitté son emploi et s’est courageusement installée au Royaume-Uni, où elle a travaillé pour son équipe à plein temps – gratuitement – afin de pouvoir faire de la course.
Provenant d’un parcours sans soutien financier ni personnel, j’ai bâti ma carrière purement avec de la détermination et des sacrifices.
Sharni a fait mis ses rêves en premier plan, et cela a porté fruit.
Avec une seule saison d’expérience, elle a participé à un championnat Grand Prix moto de Grande-Bretagne et a terminé 6e dans la catégorie Moto3. Cette expérience a jeté les bases de sa participation à trois manches de la Coupe d’Europe féminine, où elle a touché au top 10 sur des circuits qu’elle n’avait jamais parcourus auparavant.
Une retraite hâtive
Suite à une récente fracture de la clavicule, Sharni a pris une pause de la compétition ; mais c’est la misogynie qu’elle a connue dans le monde des courses de moto qui l’a convaincue de ne pas retourner sur les circuits.
Cela m’attriste profondément de réfléchir aux défis de mon propre parcours et de reconnaître le fait que des femmes qui consacrent leur vie à la poursuite de leurs rêves sont traitées de cette façon. Cela a été le principal facteur qui a contribué à ma décision de quitter le monde de la course.
Alors que Sharni se retrouve une fois de plus à se lancer courageusement vers de nouvelles aventures, fidèle à elle-même et la tête haute, le monde de la course moto qui se s’éloigne dans son rétroviseur a clairement besoin d’une certaine introspection. Bien que la FIM (Fédération internationale de motocyclisme) ait pris certaines mesures dans les années récentes pour encourager la participation et le soutien des femmes dans la course de moto, certaines valeurs anachroniques persistent dans le monde du sport motorisé, et dans le monde en général.
De sages paroles
La bonne nouvelle est que, tant que la discrimination continuera à se pointer le bout du nez, les mouvements d’inclusion et de solidarité continueront à trouver leur raison d’être. L’histoire de Sharni nous rappelle pourquoi Chicks And Machines a été créé, et pourquoi l’organisation ne cesse de croître. Il reste beaucoup de travail à faire pour enraciner l’égalité des sexes dans le monde des sports motorisés; mais heureusement, des femmes incroyables à travers le monde entier sensibilisent et inspirent les autres au quotidien.
Avant de prendre sa retraite, Sharni nous a laissé quelques mots inspirants :
Nous avons tou.te.s des limites, mais c’est à vous de décider si vous les gardez ou non.
Chez Chicks And Machines, nous croyons qu’il faut créer notre propre destin, poursuivre nos rêves, et garder la tête haute et les yeux rivés sur nos objectifs. Avec notre famille croissante de collaboratrices, y compris nos nouvelles collègues des États-Unis, Robin the Lady Biker en Californie et Jess Britt en Alaska, nous construisons un énorme mouvement de solidarité féminine dans les sports motorisés, et ensemble, nous sommes invincibles.
Quelques derniers mots
Nous félicitons Sharni d’avoir dénoncé la discrimination dont elle a été victime et pour toutes les autres choses étonnantes qu’elle a accomplies à ce jour. Le monde du sport motorisé n’a pas d’autre choix que d’évoluer, et c’est grâce à des femmes passionnées comme Sharni et mes collègues de Chicks And Machines qu’il sera mené sur la bonne voie.
J’espère qu’à travers mon parcours, je pourrai aider et encourager les autres à savoir qu’elles sont dignes de tout ce qu’elles désirent. Mon souhait pour les autres est que vous sachiez que personne n’a le droit de vous faire sentir indigne ou mal à l’aise (…) Vous êtes plus forte que vous ne le pensez, et vous êtes capable de plus que vous ne le réalisez.
Merci, Sharni, d’utiliser ta voix pour élever d’autres femmes et pour inspirer tout le monde à faire mieux. Tu laisses le monde des courses meilleur que quand tu y es entrée.
Merci d’ouvrir la voie aux futures coureuses pour qu’elles puissent pratiquer leur sport dans un environnement sûr et respectueux.
Merci de montrer au monde que c’est une démonstration de courage et d’intégrité que de tourner le dos à une situation toxique.
Merci d’avoir fait de ton dernier salut un adieu si gracieux.
De la part de femmes partout, passionnées de sports motorisés ou pas : merci.
Où que soit ton père, je suis convaincue qu’il sourit avec fierté à la femme courageuse et forte qu’il a élevée.
Tu es une force à ne pas sous-estimer.
Photos: Sharni Pinfold Racing