Le coût élevé des contributions d’assurances et d’immatriculation ainsi que l'état des routes au Québec poussent-ils les gens à se tourner vers les circuits fermés ?
Étant une motocycliste qui conduit une moto de type custom et éloignée de l’univers des motos Supersport, j’ai voulu comprendre ce qui anime des femmes à conduire des motocyclettes dites « à risque », selon la liste produite par la SAAQ.
En fait, malgré le coût faramineux de 2 022,01$ par année pour leurs contributions d’assurances et pour leurs droits d’immatriculation, ces femmes conservent le plaisir de conduire ces véhicules.
J’ai donc approché Marianne Beaulieu, collaboratrice et spécialiste de la moto sur piste chez Chicks and Machines pour sonder le terrain avec moi. Elle m’a donné son opinion et j’ai réalisé des entrevues auprès de trois autres grandes dames de la moto sportive.
Chacune nous partage son parcours, son univers, en nous parlant également de leur motivation à poursuivre leur passion de la moto sur piste. Elles nous font aussi part de leurs opinions sur des sujets d’actualité qui concernent plusieurs enjeux sur la réalité des motocyclistes de motos sportives.
Ces différents entretiens nous ont aussi permis de découvrir la nouvelle tendance de passer de la route à la piste.
L’histoire et le parcours de chacune
1) Eve Lyne
Eve Lyne a toujours eu des motos Supersport et elle adore les courbes.
C’est en 2019, lorsqu’un groupe d’amis l’invite à aller faire de la piste, que son aventure sur les circuits fermés a débuté. La piste l’intimidait beaucoup et, pourtant, Eve Lyne est une motocycliste d’expérience. Comme plusieurs filles qui hésitent à se lancer sur la piste, c’était la peur d’échapper sa moto qui l’a freinée au début.
Elle fait la remarque que c’est étrange de penser ainsi puisque les routes sont parfois plus dangereuses. Malgré ses craintes, le désir devient plus fort et elle retourne sur piste une, deux, trois fois et décide de s’acheter une seconde moto : une 600 cc spécialement pour la piste.
La moto est plus légère, montée pour la piste avec des carénages en fibre de verre, sans lumière ni miroir et équipée de plusieurs accessoires de performance. Et grâce à cela, un grand changement s’est opéré. Elle s’est mise à progresser rapidement.
2) Megan
Megan, quant à elle, a eu sa première SS vers l’âge de vingt ans et, depuis, c’est une passion. Cependant, elle n’a pas commencé directement avec une moto à risque. Elle a eu plusieurs autres motos auparavant.
Elle conduit des motocross depuis l’âge de cinq ans. Dès qu’elle a eu son permis de conduire, elle s’est procuré des motos de route ayant de petites cylindrées au look sportif, mais considérées non à risque. Quand elle a pris de l’expérience, elle a acheté sa première vraie SS (Supersport) : une CBR1000RR Repsol.
Son intérêt pour la piste a commencé parce que plusieurs personnes avec qui elle roulait sur la route en faisaient et lui disaient qu’elle devrait absolument essayer cela. Les gens lui ont dit qu’elle semblait avoir le potentiel et qu’elle allait s’améliorer rapidement. Tout a débuté lors d’une journée d’essais.
Aujourd’hui, elle réalise que ce fût l’une des meilleures décisions qu’elle a prise, puisque maintenant la piste est son endroit préféré à moto. De plus, depuis qu’elle roule sur les circuits, elle est maintenant plus tranquille et prudente sur la route. Elle réalise que d’avoir un endroit prévu, où elle peut pousser sa moto sans faire face aux dangers auxquels elle est exposée sur la route, est vraiment gagnant.
3) Marianne
En ce qui concerne Marianne, elle roule à moto depuis 2009. Elle a débuté son parcours sur les routes mais réalise, avec du recul, qu’elle aurait dû aborder la piste plus rapidement. Elle est devenue une meilleure motocycliste avec l’expérience qu’elle a acquise sur les circuits fermés.
Comme plusieurs filles, elle avait une idée préconçue qu’il fallait avoir un minimum d’expérience de conduite sur la route pour se rendre sur les pistes de circuits fermés. D’ailleurs, elle encourage les débutantes à le faire rapidement puisque que cela leur permet d’apprivoiser leur machine, d’avoir davantage de confiance en elles et d’éviter de prendre des mauvais plis.
Elle a fait ses débuts sur la piste en 2012. Elle fait le choix d’être sur la route et sur la piste, mais la piste prend de plus en plus de place. Au début, elle a exploré les pistes avec sa vieille moto en l’ajustant, mais lorsqu’elle a pris de l’assurance, elle a voulu performer sur une moto plus légère, munie d’équipements pour la piste comme des protège-moteurs et des carénages en fibre de verre.
Elle a eu un coup de foudre pour les circuits fermés. Cela l’a amenée à voyager de piste en piste au Canada et aux États-Unis.
4) Sarah-Michelle
Sarah-Michelle, pour sa part, a conduit des motos surtout sur les pistes de circuits fermés. D’ailleurs, elle est pilote et donne également des cours sur piste. Elle a acheté, sur un coup de tête, sa première moto de route après son cours en 2012, une Ninja 250, moto standard, à l’allure sportive. Elle ne connaissait personne dans son entourage qui possédait une moto.
En 2013, elle s’est inscrite à un cours sur piste, mais a dû le remettre en 2014 à cause de sa grossesse. Au cours de cette année-là, elle a aussi fait une journée d’essais libres et elle a eu la piqûre. En 2015, elle a continué d’expérimenter avec une 250 uniquement pour la piste.
En 2016, elle a décidé d’opter pour plus de puissance et de conduire une moto 600 cc. En 2019, elle a commencé à donner des cours au Circuit Mecaglisse et a fait ses débuts comme pilote de course sur les circuits.
Entrevues
Afin de mieux comprendre la réalité des motocyclistes qui adoptent la passion de conduire des motos sportives, voici les réponses aux questions que nous leur avons posées.
1) Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez choisi de conduire une moto Supersport?
Eve Lyne: J’ai toujours aimé les motos sportives, donc je ne me serais pas vue conduire autre chose! Ma moto me procure ce sentiment de bien-être qui garde mon psychique en bonne santé.
Megan: J’ai choisi les motos sport car, lorsque j’étais jeune, chaque fois que j’en voyais passer une, je me disais que, plus grande, j’aurais la mienne.
Marianne: C’est le seul type de moto qui m’intéresse. Mais je conçois qu’il faut magasiner un modèle qui correspond à notre expérience de la route. J’ai été bien entourée dans le choix de ma première moto.
Sarah-Michelle: Comme je fais très peu de moto sur la route, j’ai conservé ma moto considérée Sport Touring pour les quelques fois où j’en fais, car les contributions d’assurances sont moins dispendieuses. J’utilise une moto SS sur les pistes.
2) Pouvez-vous me parler de vos motivations à utiliser ces véhicules sur les routes au Québec, au Canada, aux États-Unis ou même ailleurs dans le monde?
Eve Lyne: La malléabilité, la suspension et la réponse des motos Supersport sont supérieures aux autres types de motos, ce qui en fait des motos très sensibles aux changements du réseau routier.
En courbe, elle est des plus stable. Si la moto que vous avez vous convient, comme la mienne pour moi, vous serez confortable pour de longues randonnées, jusqu’à 1000 km, sans problème.
Megan: Ma motivation est probablement la même que pour toute personne qui conduit une moto : le plaisir, la liberté et l’adrénaline. J’aime bien me rendre aux É.-U. parce que leurs routes sont généralement en bon état. Elles sont plus intéressantes à rouler avec des motos Sport puisqu’on peut vraiment profiter des courbes.
Malgré tout, je peux dire que ma vraie motivation à utiliser ce type de moto se trouve sur les pistes et non sur la route, puisqu’en circuit fermé, je peux vraiment profiter de ma moto, l’utiliser à son plein potentiel.
Marianne: Avec une moto SS sur la route, j’apprécie les courbes, le feeling du serpent, me déhancher. C’est moins agréable au Québec, car les routes sont en mauvais état. Mon expérience en Californie m’a vraiment permis d’apprécier le plaisir de rouler sur ma moto SS.
En général, les automobilistes sont plus courtois et la qualité des routes est vraiment meilleure. Il faut ajouter en revanche que certains pays ne sont pas faits pour ce type moto pour diverses raisons, comme la réalité des animaux.
3) Comment, lorsqu’on conduit une moto Supersport, fait-on pour composer avec des immatriculations aussi onéreuses?
Eve Lyne: C’est injuste que les facteurs, tels les dossiers de conduite, les points d’inaptitude et l’expérience, ne soient pas pris en compte pour obtenir un prix juste et équitable. Le fait que tous les conducteurs de motos Supersport dites « à risque » paient un prix plus élevé que la moyenne des motocyclistes, est injuste.
Personnellement, cela m’encourage à la remiser lorsque je l’utilise moins afin de ne profiter que des conditions plus clémentes pour la conduire sur les routes.
Megan: Cette année, j’ai décidé de faire un compromis à cause du prix des plaques. J’ai changé ma BMW S1000RR pour la nouvelle Aprilia RS660 comme moto de route. De cette façon, je peux plaquer deux motos, ma Aprilia et une Supermotard, pour moins cher qu’une seule considérée à risque.
Aussi, pour garder l’adrénaline et le plaisir de conduire une Supersport, depuis près de deux ans, je me concentre de plus en plus sur les journées en circuit fermé avec ma GSXR750. Je fais plusieurs trackdays/opentracks (journées piste/pistes ouvertes) durant l’été, sur différentes pistes au Québec et en Ontario.
Marianne: Je planifie à l’avance et je mets mon argent de côté. J’ai choisi de payer en un seul versement. C’est mon activité, un choix de passion, j’aime mieux couper ailleurs. C’est comme la personne qui planifie un abonnement en ski ou un voyage.
4) Que pensez-vous de la catégorisation de certains véhicules dans la catégorie SS versus d’autres modèles très semblables qui ne le sont pas?
Eve Lyne: J’ai vécu plusieurs années en Colombie-Britannique où le prix des immatriculations était en fonction de la force du moteur, pas seulement du type de moto. Je comprends que les motos Supersport sont plus puissantes, mais pourquoi ne pas encadrer de façon appropriée cette catégorie de véhicule et récompenser les BONS conducteurs?
L’engouement pour les motos Sport Touring de type Naked a augmenté à cause du prix élevé des immatriculations des motos sportives. Ces bolides sont souvent aussi puissants que certains SS et, pourtant, ils coûtent moins en assurances. Curieusement, ces Sport Touring sont prisées des nouveaux conducteurs, qui font malheureusement partie des statistiques d’accidents solo.
Megan: Je crois que la catégorisation devrait être revue. Par exemple, catégoriser en lien avec l’expérience du conducteur et non selon le type de moto. Présentement, certaines motos considérées Sport Touring sont plus puissantes et plus dangereuses que certaines SS.
Marianne: Je trouve que la catégorisation est mal faite et elle devrait aller par cc, comme en Colombie-Britannique.
À titre d’exemple: une BMWs1000r (ST) et BMW s100rr (SS) ont le même châssis et le même moteur. La Sport Touring a une puissante réduite, mais a le même moteur. Ce n’est pas égal et c’est injuste. On devrait aussi envisager un accès progressif comme en Europe.
5) Que pensez-vous de l’option du remisage de vos véhicules?
Eve Lyne: J’adore cette option, car ça diminue les coûts lorsqu’on sait que la moto ne sera pas utilisée, surtout les motos Supersport. On peut facilement la remettre en circulation via le service en ligne.
Megan: De mon côté, je n’utilise pas cette option puisque je laisse mes motos plaquées à l’année. Aussi, pour ma Supermotard, à partir de cette année, j’utiliserai des pneus d’hiver certifiés et donc légaux au Québec, ce qui me permettra de rouler même pendant l’hiver lorsque les conditions le permettront.
Marianne: J’aime l’option de remisage. Comme je préfère faire de la piste, cela me permet de sauver de l’argent. Il faut aussi parler du remisage en lien avec d’autres causes comme les blessés, ou encore les femmes enceintes.
Nous ne devrions même pas exiger de plaquer un mois par année pour éviter l’inspection. En fait, ces facteurs ne disent pas que la moto est moins en ordre, et cela force les gens qui vivent des situations particulières à vivre un stress inutile.
6) Que pensez-vous du fait qu’aucune restriction de rouler avec des super bolides ne soit mise de l’avant pour les nouveaux et apprentis conducteurs de moto?
Eve Lyne: C’est irresponsable de la part de notre gouvernement et de la SAAQ de ne pas encadrer de façon appropriée l’accès aux motos Supersport. Selon moi, une catégorie devrait être créée, démontrant que le motocycliste ayant un minimum d’expérience et ayant suivi une formation avancée en techniques de courbes peut manier avec aisance ce genre de motos.
L’accès aux Supersport est trop facile, même dès que les gens ont 16 ans!
Megan: Je crois qu’il pourrait y avoir un peu plus d’encadrement pour les apprentis conducteurs par rapport à ce type de moto, au moins durant leurs premières années. Les petites cylindrées sont parfaites pour apprendre, prendre de l’expérience, et elles pardonnent plus dans le cas d’une erreur commise par le conducteur.
Marianne: Je trouve cela ridicule, très dangereux et cela n’a aucun sens. Commencer à conduire avec une bombe entre les mains, c’est inadéquat. Les débutants n’ont pas l’expérience, le temps de réaction et les aptitudes pour être en mesure de réagir à la puissance de ce type de véhicule et les réflexes ne sont pas assez aiguisés pour ne pas se mettre en danger.
En France, les apprentis progressent une étape à la fois : ils marchent avant de courir et ont un accès progressif à certaines cylindrées. Ici, il y a le phénomène de vouloir impressionner les autres et il faudrait changer la mentalité, c’est-à-dire concentrer son attention sur son amélioration en tant que pilote.
Il faut se souvenir de l’importance d’avoir une monture à sa pointure, de conduire une moto en étant à l’aise avec une certaine agilité. Ce conseil est aussi bon pour ceux et celles qui conduisent des motos trop lourdes ou trop hautes. Quand on est plus à l’aise, on progresse; nous éprouvons plus de plaisir et nous pouvons réellement nous améliorer, surtout sur la piste.
Sarah-Michelle: Étant donné que je fais de la piste, il est très important pour moi d’avoir une moto avec laquelle je ne fais qu’un. L’expérience que l’on prend fait que nous pouvons envisager d’utiliser, avec le temps, des modèles plus performants. Je suis vraiment d’avis qu’il faut absolument restreindre les motos puissantes.
7) Quel est l’impact de l’état des routes sur la conduite d’une moto sportive?
Eve Lyne: Je crois que peu importe le type de moto, l’état pitoyable des routes au Québec augmente le risque d’accidents pour les motocyclistes. Les serpents de goudron, les nids-de-poule, les garde-fous meurtriers ne sont que des exemples.
Megan: Selon moi, l’impact principal est le même que pour les autres types de motos : l’état des routes les rend dangereuses et imprévisibles. Avant la pandémie, je réglais ce problème en allant rouler presque seulement aux É.-U.; depuis la pandémie, je roule un peu au Québec, mais comme mentionné plus haut, je me concentre surtout sur les journées en circuit fermé.
Marianne: J’ai l’impression en conduisant sur les routes au Québec que je dois continuellement adapter ma conduite. J’ai parfois l’impression d’être en motocross. Je dois parfois me mettre debout, à cause de la chaussée en mauvais état.
Les serpentins font glisser la moto et c’est difficile quand tu prends une courbe. Quand il pleut, c’est encore plus dangereux en ce qui concerne l’adhérence sur des routes si abîmées.
Sarah-Michelle: Le plaisir de rouler à moto sur les pistes en circuit fermé est intimement lié à cet aspect. La piste est belle, sans obstacle et vraiment sécuritaire.
8) Que pensez-vous de l’importance de se vêtir avec des vêtements qui ont des protections lorsque nous conduisons une moto?
Eve Lyne: Mon opinion est que tout motocycliste devrait au minimum avoir un casque, une protection oculaire, des gants et des bottes fermées.
Pour ma part, je ne roule JAMAIS sans les items énumérés plus haut; de plus, je porte ma dorsale, mon manteau de cuir rembourré, mes pantalons et mes bottes hautes.
J’ai même une veste ProtekSport Hit-Air, qui m’a sauvée de blessures graves lorsqu’une fois j’ai fait une chute à haute vitesse! Il faut se rappeler que notre équipement vestimentaire est la seule protection que nous avons en cas de chute; c’est notre « pare-chocs ».
Megan: Je pense que chaque personne qui conduit une moto devrait porter au minimum, en plus du casque, un manteau, des gants et des bottes de moto. Idéalement, il faudrait aussi porter des pantalons en Kevlar ou en cuir. Mon équipement de moto m’a sauvée deux fois de blessures graves.
La première fois, lors d’une randonnée, ma moto a pris feu en roulant à cause d’un bris mécanique au moteur. Grâce à mes bottes et mes pantalons en cuir, malgré le feu qui montait à la hauteur des genoux, je n’ai eu aucune brûlure ou autres blessures.
La deuxième fois, j’ai fait un « low side » sur une piste. J’étais vêtue d’un ensemble complètement en cuir et de tout l’équipement nécessaire pour faire de la piste : encore une fois, aucune blessure, seulement quelques douleurs musculaires et des vêtements avec quelques égratignures.
Ces deux accidents m’ont confirmé que je prends la bonne décision de toujours m’habiller adéquatement lorsque je vais faire de la moto, même s’il fait très chaud.
Marianne: C’est extrêmement important. J’ai vécu des situations qui m’ont fait réaliser l’importance d’être bien habillée. Les mains sont souvent les premières à toucher le sol, d’où l’importance d’avoir de bons gants, et des bottes bien attachées. Les sandales devraient être interdites.
Il faut un habillement complet, sans compromis, manteau en cuir ou entièrement en Mesh, jeans en Kevlar rembourrés aux genoux et aux hanches. Bien s’équiper coûte cher. Il serait bien d’envisager une façon de récompenser ceux qui s’habillent convenablement. J’aimerais un équipement minimum, on paie tous pour cela.
Il faudrait aussi un resserrement concernant les casques. On ne devrait pas rouler avec un casque qui a plus de cinq ans.
Sarah-Michelle: S’habiller pour faire de la course ou de la piste, c’est essentiel. C’est ce qui nous protège en cas d’accident. C’est ce qui nous permet de rouler en toute sécurité et d’être bien protégés en cas de chute. Sur la piste, les motocyclistes ont un équipement complet, ce qui est primordial, selon moi, autant sur la piste que sur la route.
9) On voit émerger une nouvelle tendance de conduire sa moto sportive sur les pistes en circuit fermé, pouvez-vous nous expliquer le phénomène et pourquoi ce choix devient une belle alternative?
Eve Lyne: Contrairement à la croyance populaire, les motocyclistes qui ont un engouement pour la piste ne le font pas dans le but de sauver sur les immatriculations, car les dépenses y sont beaucoup plus élevées!
Pour moi, c’est un sport : repousser ses limites personnelles tout en se respectant. C’est physique et mental à la fois. C’est pousser sa machine au maximum de ses capacités dans un environnement contrôlé et sécuritaire. Il n’y aura pas de véhicules vous coupant le chemin, ni de serpentins goudronnés, ni de petits graviers.
Il n’y a que vous, votre moto et la piste (ainsi que les autres conducteurs, bien sûr !). C’est l’endroit idéal pour parfaire le contrôle de notre machine, notre position sur celle-ci, les manœuvres de freinage plus intenses. Certains ne font que de la piste, d’autres alternent avec la conduite sur la route. Cet acquis de connaissances sur la piste peut être transposé sur la route.
Chaque circuit a ses particularités, sur lequel on a nos forces et nos faiblesses. Les faiblesses deviennent des défis. Le coaching est fait par des instructeurs, et des pairs ayant plus d’expérience.
Et tout à coup, tu as le genou à terre, ÇA FROTTE! Hiiiiiiiiiii!
Ne soyez pas surpris de relever soudainement la moto, pensant que vous êtes trop basse. Haha! Ça m’arrive de plus en plus souvent de frotter, et je ne mesure que 5’4”; donc, je suis dans l’apex, ma vitesse et mes angles s’améliorent.
La piste, c’est là où l’on est focalisé, où toute notre concentration va sur la meilleure ligne de piste, la ligne la plus rapide, la meilleure position de conduite, l’accélération rapide, le freinage le plus efficace, le plus tard possible. On repousse continuellement nos limites.
C’est sans compter tous les autres conducteurs qu’on croise constamment, sur les pistes, dans les paddocks. Tous ces gens deviennent une deuxième famille.
Je fais de la piste parce que je m’amuse, j’apprends, je me développe, je me dépasse. Sur piste, je ne pense à rien d’autre.
Megan: À mon avis, le prix des plaques SS et l’état des routes sont deux bonnes raisons qui ont poussé plusieurs conducteurs de motos SS à se diriger vers les pistes. De mon côté, dès la première fois que j’ai essayé une journée sur piste, je n’ai plus arrêté.
La piste nous permet de rouler et d’exploiter nos motos dans un endroit sécurisé. Par exemple, Pete Moto sur le circuit de Montmagny offre, plusieurs journées par semaine, des cours privés, avec un petit groupe, ou des journées Opentrack; on roule à volonté toute la journée, et, surtout, on est bien entourés de plusieurs coachs qui nous aident à nous améliorer et à travailler sur nos mauvaises habitudes.
Ces journées me permettent d’être beaucoup plus confiante à moto, d’avoir de l’adrénaline et surtout beaucoup de plaisir avec une gang qui est comme une famille. Dans le monde de la piste, tout le monde est là pour s’entraider, c’est un des points qui me fait aimer encore plus ce sport.
Marianne: Pour moi, le circuit est la meilleure place pour exploiter une moto sport. C’est l’endroit le plus sécuritaire, avec un pavement plus beau et de meilleure qualité, pas de voiture, pas de stress en lien avec les policiers.
De plus, on n’a pas à se soucier d’être au-dessus de la limite de vitesse. Donc la peur de perdre des points n’est pas là. Il y a aussi le plaisir de s’améliorer de fois en fois. Finalement, tu peux en prendre large et tu as plus de marge de manœuvre.
Sarah-Michelle: Moi, mon choix est clair : c’est la piste. Je trouve que, sur la piste, il y a tellement d’encadrement que ça apporte une sécurité. Si on voit une personne qui a une mauvaise technique, qui est dangereuse pour elle-même et pour les autres, on agit immédiatement pour éviter le pire.
Il y a toujours des premiers répondants qui sont sur place.
J’ai aussi débuté les courses; le dépassement de soi, le travail qu’on doit faire pour en arriver là, c’est immense : difficile à expliquer ce sentiment profond d’accomplissement qui est différent de ce qui est vécu sur la route. Bref, je n’ai plus beaucoup de plaisir à rouler sur la route.
10) Que pensez-vous de la formation pour parfaire vos habiletés de conductrice de motos sportives sur la piste?
Eve Lyne: ESSENTIELLE!
De plus en plus de motocyclistes conduisant des Supersport ou Sport Touring vont sur les pistes avec leur moto de rue afin de parfaire leurs habiletés et leur aisance sur leur machine. Les cours d’initiation à la piste « niveau 1 » sont là pour ça.
Megan: Je pense qu’une formation d’initiation à la piste ou une clinique sur les courbes, par exemple, sont deux bonnes formations à suivre pour quelqu’un qui conduit une moto sport. Ces genres de formation ne sont pas seulement pour les personnes qui veulent faire de la piste, mais aussi pour ceux/celles qui veulent se sentir plus à l’aise sur la route, avoir de meilleures techniques et être plus en contrôle de leur moto.
On apprend non seulement les positions à adopter sur nos motos lors d’une courbe, mais aussi plusieurs techniques de freinage, d’entrée et sortie de courbes, etc. Souvent, lorsqu’on essaie la piste, on ne peut plus s’en passer par la suite. C’est impossible de retrouver le même plaisir sur la route, puisqu’on ne peut pas pousser nos motos comme on le fait sur la piste, ce serait beaucoup trop dangereux.
C’est une bonne façon de profiter de notre sport en sécurité. De plus, pour ceux et celles qui veulent continuer à s’améliorer sur la piste, dans le but de courser un jour ou tout simplement pour avoir du plaisir, il y a, par la suite, des formations plus spécialisées qui sont offertes.
Marianne: La formation continue devrait être obligatoire. De plus, il faudrait envisager un rabais d’assurances selon l’expérience. Tout le monde devrait faire de la piste, c’est une expérience des plus pertinente. Le changement de dénivellation représente la réalité de la rue.
Pratiquer les courbes devrait être au programme de formation pour chaque motocycliste au moins une fois, pour améliorer les aptitudes dans les courbes.
Sarah-Michelle: En étant coach, je peux partager ma passion et c’est vraiment le plus beau cadeau qu’on pouvait m’offrir. D’aider d’autres conducteurs à parfaire leurs habiletés en partageant mes connaissances, c’est un accomplissement personnel. Selon moi, la formation est essentielle pour les motocyclistes.
Bref…
En résumé, ces entrevues ont permis d’en connaître davantage sur l’opinion des motocyclistes sportives et de mieux cerner le milieu des circuits fermés.
De plus, leurs propos sur les sujets de l’heure comme l’habillement, l’état des routes, la formation et le prix des contributions, nous permettent de prendre conscience de certains aspects importants qui pourront en faire réfléchir plusieurs.
Merci à Eve Lyne Talbot, Megan Bernard, Marianne Beaulieu ainsi qu’à Sarah-Michelle Cotton qui, par leurs réponses, nous ont éclairés davantage sur plusieurs sujets.
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